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Catherine des grands chemins - Бенцони Жюльетта - Страница 17


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Le sursaut d'energie qui l'avait arrachee a sa vie vegetative de Carlat s'evanouissait. Elle en avait assez de lutter, de vivre... Michel lui-meme n'avait pas tellement besoin d'elle. Il avait sa grand-mere et Frere Etienne saurait plaider aupres du Roi la cause des Montsalvy avec l'aide de la reine Yolande. Ce que Catherine voulait, desesperement, c'etait retrouver Arnaud ! Elle ne pouvait plus endurer ce vide affreux qu'il avait laisse dans son c?ur, dans sa vie, cette dechirure qui, aujourd'hui, s'etait agrandie encore.

Elle souleva peniblement ses paupieres. La chambre etait presque obscure et silencieuse comme un tombeau. Catherine avait supplie Sara de la laisser seule. Elle etait comme une ecorchee vive qui ne peut supporter le moindre effleurement. Mais, dans l'ombre rouge des charbons presque eteints, elle distingua le tas que formaient ses vetements. La dague d'Arnaud etait posee dessus. Catherine fit un effort pour se lever, pour tendre la main vers l'arme. Il suffisait d'un geste et tout serait fini : la douleur, le desespoir, les regrets infinis. Un geste, un simple geste...

Mais les larmes incessantes qu'elle avait versees, la violence du choc subi par ses nerfs l'avaient menee aux limites de l'epuisement.

Elle retomba lourdement sur sa couche, secouee de frissons... Au-dessous d'elle, des bruits s'elevaient. Le vacarme d'une salle d'auberge a l'heure du souper. Les hommes d'armes devaient se mettre a table.

Mais" ces manifestations de la vie etaient aussi etrangeres a Catherine que si elle eut ete muree au c?ur de la plus epaisse montagne. Elle referma les yeux, poussa un soupir douloureux...

Les raclements de pieds et les eclats de voix du dessous l'empecherent d'entendre la porte s'ouvrir doucement, doucement. Elle ne vit pas une longue silhouette se glisser vers le lit, mais frissonna quand une main se posa sur son epaule tandis que le bois du lit gemissait sous la pression d'un genou. Entrouvrant les yeux, elle vit qu'un homme se penchait sur elle et que cet homme n'etait autre que Ian Mac Laren. Mais elle n'en fut pas autrement surprise. Au fond, dans l'etat d'aneantissement ou elle se trouvait, plus rien ne pouvait la surprendre, plus rien ne pouvait l'atteindre.

— Vous ne dormez pas, n'est-ce pas ? demanda l'Ecossais. Vous etes en train de souffrir, de vous torturer stupidement...

Il y avait, dans la voix du jeune homme, une colere latente.

Catherine percut son exasperation, mais ne chercha meme pas a l'expliquer.

— Qu'est-ce que cela peut bien vous faire ? fit-elle.

— Ce que cela me fait ? Voila des mois et des mois que je vous regarde vivre. Oh ! de fort loin ! Avez-vous jamais porte la moindre attention a l'un d'entre nous, hormis peut-etre a notre chef Kennedy parce que vous aviez besoin de lui ? Nous savons tous que vous avez souffert, mais, dans nos pays du Nord, on ne s'attarde pas aux regrets steriles. La vie est trop rude, chez nous, pour qu'on la gaspille en larmes et en soupirs.

— A quoi bon tout cela ? Dites ce que vous avez a dire, mais dites-le clairement. Je suis si lasse...

— Lasse ? Qui ne l'est en ces temps ou nous vivons ? Pourquoi donc le seriez-vous plus que n'importe quelle autre femme ? Pensez-vous etre la seule a souffrir sur cette terre ou bien est-ce vraiment tout ce que vous etes capable de faire : vous terrer dans un coin comme une bete apeuree et pleurer, pleurer jusqu'a l'abrutissement, jusqu'a ce que vous oubliiez qui vous etes et jusqu'au fait que vous etes un etre vivant ?

Cette voix dure, meprisante et cependant chaleureuse, percait la brume douloureuse mais protectrice dont Catherine s'enveloppait. Elle ne pouvait ignorer ce qu'il disait parce qu'au fond d'elle-meme elle sentait obscurement qu'il avait raison.

— Chez nous aussi des hommes meurent, vite ou lentement, des femmes souffrent dans leur c?ur et dans leur chair, mais aucune n'a le temps de s'appesantir sur elle-meme. Le pays est trop rude, la vie, la simple vie est un combat trop quotidien pour s'offrir le luxe des larmes et des soupirs.

Une brusque revolte galvanisa Catherine. Elle se retrouva assise, retenant contre sa poitrine draps et couvertures.

Et alors ? Ou voulez-vous en venir a la fin ? Pour quoi venez-vous me tourmenter ? Ne pouvez-vous me laisser en paix ?

Le visage aigu de Mac Laren eut son bref sourire narquois.

— Enfin, vous reagissez ! C'est la que je voulais en venir... et aussi a autre chose.

— Quoi donc ?

— Ceci...

Avant qu'elle ait pu prevoir son geste, il l'avait enveloppee de ses bras. Elle se retrouva totalement immobilisee tandis qu'une main glissait doucement dans ses cheveux, tirait sa tete en arriere. Quand Ian se mit a l'embrasser, elle eut un sursaut instinctif, voulut le repousser. Vaine tentative : il la tenait bien. Et puis, elle n'avait plus aucune force. Enfin, malgre elle, une sensation sournoise de plaisir se glissait en elle, identique a celle deja eprouvee quand il l'avait soignee. Les levres du jeune homme etaient douces, chaudes et l'etreinte de ses bras avait quelque chose de rassurant. Catherine cessa soudain de penser pour s'abandonner a l'instinct feminin, vieux comme le monde, qui lui faisait trouver agreable le contact de ce garcon. Certains boivent pour oublier, mais les caresses d'un homme, l'amour d'un homme pouvaient dispenser une ivresse autrement puissante et c'etait cette experience que Catherine etait en train de faire...

En la recouchant sur les coussins uses, il releva la tete un instant, dardant sur la jeune femme un regard qui brulait de passion et d'orgueil.

— Laisse-moi t'aimer, je saurai te faire oublier jusqu'a tes larmes.

Je te donnerai tant d'amour que...

Il n'acheva pas. Cette fois, c'etait Catherine qui, prise d'une soudaine frenesie, avait colle ses levres a celles du jeune homme et l'attirait a elle. Il etait devenu d'un seul coup l'unique realite de son univers en pleine convulsion, une chaude realite a laquelle elle voulait s'accrocher de toutes ses forces. Tous deux roulerent, enchevetres, au creux du vieux matelas use, oubliant le decor miserable, attentifs seulement a l'approche du plaisir. Les nerfs brises de Catherine lui faisaient desirer un aneantissement total, absolu, un asservissement a une volonte plus forte. Elle ferma les yeux avec un petit gemissement.

Ce qui suivit la replongea brutalement dans le monde cauchemardesque, dementiel dont Mac Laren, un instant, l'avait arrachee. Il y eut ce cri terrible, enorme, qui parut a Catherine eclater dans sa propre tete, puis la convulsion de tout le corps qui etreignait le sien, les yeux exorbites de l'Ecossais et le sang qui jaillit de sa bouche. Avec une exclamation d'horreur, la jeune femme se rejeta de cote, entrainant avec elle la couverture dont, instinctivement, elle s'enveloppa. Alors seulement elle vit que Gauthier etait debout pres du lit et qu'il la regardait avec les yeux d'un fou. Ses mains pendaient le long de son corps, inertes. Sa hache etait plantee entre les deux epaules de Mac Laren.

Un moment, Catherine et le Normand se devisagerent en silence, comme s'ils se voyaient pour la premiere fois. Une terreur folle paralysait totalement la jeune femme. Elle n'avait jamais vu a Gauthier ce masque de violence et d'implacable cruaute. Il etait hors de lui et, voyant se lever lentement les enormes poings du geant elle crut qu'il allait la tuer, mais ne fit aucun geste parce qu'elle en etait absolument incapable. Son esprit travaillait mais ses membres, de pierre comme tout son corps, lui refusaient tout service. Pour la premiere fois de sa vie, Catherine vivait au naturel cette effrayante expression que l'on eprouve dans les cauchemars lorsque, poursuivi par un danger pressant, on essaie en vain de fuir sans pouvoir arracher ses pieds du sol, on tente de crier sans que la voix franchisse le seuil des levres... Mais les mains de Gauthier retomberent, sans forces, le long de son corps et le sortilege qui tenait Catherine prisonniere se dissipa. Elle detourna meme les yeux, les posa sur le cadavre de Mac Laren avec une crainte qui se nuancait d'etonnement. Comme c'etait rapide et facile, la mort ! Le temps d'un cri et il n'y avait plus d'esprit, plus de passion, plus rien que la matiere inerte. Cet homme, dans les bras duquel, l'instant precedent, elle defaillait, voila qu'il avait soudain disparu ! Il avait dit : « Je te ferai oublier », mais il n'avait meme pas eu le temps de la soumettre a sa volonte ! Elle avala peniblement sa salive puis demanda d'une voix blanche :

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