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Catherine des grands chemins - Бенцони Жюльетта - Страница 8


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Catherine frissonna au souvenir de ce jour ou, dans ce meme donjon, le reitre gascon avait tente de la jeter dans l'oubliette. Parfois, dans ses cauchemars, elle revoyait la face rouge et suante, revulsee d'un hideux desir de tuer, du gros sergent.

1. L'escalier existe toujours, mais, la forteresse ayant ete rasee, il est a ciel ouvert.

— Comment savait-il le secret ? articula-t-elle.

Le petit senechal baissa la tete et tortilla son bonnet entre ses mains.

— Nous... nous etions du meme pays de Gascogne, balbutiat-il. Je n'ai pas voulu qu'il lui advint mal de mort... a cause de ca.

Catherine s'abstint de repondre. Ce n'etait pas au moment ou cet homme apportait un renseignement de cette valeur qu'il fallait songer a lui demander des comptes pour avoir protege un assassin. Kennedy, qui reflechissait profondement, ne l'eut d'ailleurs pas tolere. Bras croises, la tete penchee sur une epaule, il regardait le feu avec une totale absence d'expression. Machinalement, il demanda si l'escalier etait praticable pour des femmes et, sur l'affirmative :

— Alors, nous allons faire mieux. Il faut profiter du fait que VillaAndrado n'a pas encore eu la possibilite d'encercler completement le chateau. Il suppose d'ailleurs, vu la hauteur, que, sur la face nord, ce n'est pas si urgent ; mais il peut changer d'avis demain. Nous n'avons donc pas de meilleure chance que cette nuit. Dame Catherine, preparez-vous a partir.

Une legere rougeur monta aux pommettes de la jeune femme et elle serra ses mains l'une contre l'autre.

— Dois-je partir seule ? dit-elle simplement.

— Non. Sara, Frere Etienne et Gauthier vous accompagneront.

Bien entendu, Gauthier vous quittera une fois hors de Carlat et, tandis que vous irez l'attendre a Aurillac, il rejoindra Mac Laren. Il lui portera l'ordre de se rendre aupres de vous avec ses hommes et de vous servir d'escorte pour le reste de votre voyage.

— Mais vous, pendant ce temps ?

L'Ecossais eut un bon rire qui, par une sorte de miracle, fit eclater en mille morceaux l'atmosphere tendue ou baignait la haute piece voutee. Avec ce rire s'enfuyaient tous les demons de la peur et de l'angoisse.

Moi ? Je resterai tranquillement ici quelques jours, pour amuser VillaAndrado. D'abord, je dois attendre qu'arrive le nouveau gouverneur, mais celui-ci n'approchera pas tant que Carlat sera investi. Dans quelques jours, juste ce qu'il faudra pour vous laisser prendre une belle avance sur une eventuelle poursuite, je convoquerai VillaAndrado ici et saurai bien lui demontrer que vous avez vide les lieux.

Des lors, n'ayant plus rien a esperer, il s'en ira. Il ne me restera plus qu'a passer les pouvoirs a mon remplacant, puis a plier bagages.

Frere Etienne s'approcha de Catherine et prit, dans les siennes, les deux mains froides de la jeune femme.

— Qu'en pensez-vous, mon enfant ? Il me semble que le capitaine fait entendre la voix de la sagesse.

Cette fois, Catherine sourit, reellement, franchement, un beau sourire chaud dont elle enveloppa le petit moine puis envoya la fin au grand Ecossais qui, du coup, devint rouge d'emotion.

— Je pense, dit-elle doucement, que c'est bien imagine. Je vais me preparer. Viens, Sara ! Messire Kennedy, je vous serais tres reconnaissante de me procurer des vetements d'homme ainsi que pour Sara.

Celle-ci poussa un affreux soupir. Elle avait horreur des vetements d'homme dans lesquels ses formes rebondies se trouvaient toujours facheusement comprimees. Mais, apparemment, le temps des aventures n'etait pas revolu et il fallait bien se resigner a l'inevitable, faute de mieux.

Un moment plus tard, dans sa chambre, Catherine examinait avec quelque etonnement les vetements que Kennedy lui avait fait porter.

Le capitaine ecossais les avait empruntes a son page et c'etait le costume habituel des hommes de son pays avec tout de meme une legere variante. Les rudes montagnards des hautes terres, habitues a un climat sans douceur, avaient la peau dure et le cuir tanne. Leur veture habituelle se composait d'un ample morceau de laine aux couleurs de leur clan dans lequel ils se drapaient, d'une veste de flanelle et d'une chemise de mailles. Une plaque de fer ouvrage fixait la draperie a l'epaule. Comme coiffure ils portaient le casque conique ou bien un beret plat orne d'une plume de

heron et allaient jambes nues, parfois meme pieds nus. Aupres du roi Charles VII, dont ils formaient, depuis 1418, la celebre garde ecossaise creee par le connetable John Stuart de Buchan, ils portaient cuirasses d'argent et fastueux plumails de heron blanc, mais en campagne ils revenaient volontiers a leur habillement traditionnel dans lequel ils se sentaient plus a l'aise.

Kennedy avait donc envoye a Catherine un tartan aux couleurs du clan Kennedy : vert, bleu, rouge et jaune, un justaucorps rouge et un beret bleu, de courtes bottes de cuir solide et un sac de peau de chevre.

Seule concession aux rigueurs de la temperature, il y avait joint des chausses collantes du meme bleu que le bonnet et un grand manteau de cheval noir.

— Quand Mac Laren vous rejoindra, vous passerez pour son page, lui avait dit le capitaine, et, de cette facon, vous ne vous distinguerez pas du reste de la troupe.

Il avait envoye un autre costume du meme genre mais infiniment plus grand s'il etait moins elegant pour Sara. La bohemienne avait commence par refuser categoriquement de s'affubler de la sorte.

— On peut fuir sans se couvrir de ridicule ! declara-t-elle. De quoi aurai-je l'air dans cette defroque bariolee ?

— De quoi ai-je l'air ? repondit Catherine qui, a peine la porte refermee sur Kennedy, s'etait deshabillee et avait enfile l'etrange costume.

Puis, apres avoir ebouriffe ses boucles blondes, elle avait plante le beret dessus et s'etait campee devant un grand miroir d'etain poli, un poing sur la hanche, en s'examinant d'un ?il critique. Une chance qu'elle fut si mince car ces couleurs vives grossissaient et elle eut cent fois prefere du noir, ne fut-ce que pour demeurer fidele au v?u qu'elle avait fait : ne plus jamais porter autre chose que du noir ou du blanc.

Cette nuit, c'etait une exception, un cas de force majeure puisqu'il avait ete impossible de trouver des vetements d'homme noirs et a sa taille. Malgre tout, elle eut un frisson de plaisir.

Ce costume bizarre lui allait, lui donnait une allure crane, celle d'un jeune page au trop joli visage. Elle enroula sur un doigt une meche de ses cheveux. Ils semblaient repousser un ton plus fonce. Leur or eclatant se bronzait legerement donnant une couleur moins vive mais plus chaude qui faisait mieux ressortir encore son teint delicat et ses grands yeux sombres. Sara, qui l'observait en silence, bougonna :

— Ce n'est pas permis d'etre aussi belle ! Je crains que le miroir ne me renvoie pas une image aussi reussie.

En effet, outre qu'elle devait fourrer sous le beret ses epais cheveux noirs, Sara avait dans ce costume quelque chose d'irresistiblement comique.

— Il faut draper l'echarpe sur ta poitrine, conseilla Sara. On voit trop que tu es une femme.

Elle en avait fait autant pour elle-meme bien qu'elle eut pris la precaution de bander ses seins avant d'enfiler le pourpoint. Puis, s'enveloppant dans le manteau noir, elle s'avanca vers la porte ou quelqu'un frappait.

— Vous etes pretes ? demanda la voix de Kennedy.

— Il faut bien, marmonna Sara en haussant les epaules.

— Entrez, fit Catherine, occupee a glisser le diamant noir et toute une collection de pierres dans le sac en peau de chevre.

Sara en porterait une autre partie. Au seuil, la silhouette de l'Ecossais s'erigea. Il sourit.

— Quel beau page vous faites ! remarqua-t-il avec une emotion trop visible.

Mais Catherine ne sourit pas.

— Cette mascarade ne m'amuse guere. J'ai fait un paquet de mes hardes et les remettrai des qu'il sera possible. Pour l'heure, allons...

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