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Belle Catherine - Бенцони Жюльетта - Страница 5


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— Tu revais... Un mauvais reve... Je t'ai entendue crier...

— Oui... Oh ! Sara, c'etait horrible, je...

— Non, ne dis rien ! Il est inutile que les paroles recreent des images qui t'ont fait peur. Tu vas te rendormir et, moi, je vais rester aupres de toi. Les mauvais reves ne reviendront plus.

— Il faudrait pour cela que je retrouve Arnaud, fit Catherine prete a pleurer. Sinon... sinon ils ne me quitteront plus.

La nuit se termina sans autre incident. Le jour revint sans que La Hire et ses hommes eussent regagne Louviers.

L'impatience rongeait Catherine dont, en meme temps, l'espoir s'amenuisait a mesure que les heures coulaient.

— S'il avait rejoint Arnaud, il serait deja rentre.

— Pas sur ! disait Sara pour la calmer. L'expedition a pu l'entrainer plus loin qu'il ne voulait.

Mais, malgre les paroles apaisantes et les encouragements de Sara, il fut impossible d'arracher Catherine du clocher.

Peut-etre y fut-elle demeuree toute la nuit cette fois si, a l'heure ou le soleil plonge derriere le moutonnement verdatre des champs, un nuage de poussiere ne s'etait leve sur le chemin de l'ouest. Bientot, les reflets fauves arraches par les dernieres fleches de lumiere a l'acier des armes furent visibles parmi les vagues poudreuses. Quand elle put distinguer le pennon noir a la vigne d'argent, Catherine degringola le raide escalier en colimacon.

— Les voila ! Ils reviennent ! cria-t-elle, insoucieuse de la saintete du lieu.

Elle passa comme un boulet sous le nez de la mere Marie-Beatrice eberluee, bouscula la touriere et se retrouva dehors, Sara sur ses talons, devalant la ruelle vers la porte de la ville, ses jupes retroussees a deux mains pour courir plus vite.

Elle arriva en vue des tours de garde juste comme le destrier de La Hire franchissait la herse relevee et se jeta presque dans les jambes du cheval.

— Alors ? Vous l'avez retrouve ?

A grand-peine, le capitaine maintint la bete pour l'empecher de heurter Catherine, mais jura effroyablement. Sous la ventaille relevee du casque, son visage soucieux etait gris de poussiere, chaque pli de la peau marque en noir.

— Non, jeta-t-il durement, il n'est pas avec nous.

Mais, voyant Catherine, devenue blanche jusqu'aux

levres, chanceler, il eut honte de sa brutalite, sauta a bas de sa monture et bondit vers elle juste a temps pour la retenir, defaillante, dans ses bras et l'empecher de glisser a terre.

Allons, vous n'allez pas encore me choir dans les bras ! Je ne l'ai pas retrouve, mais je sais qu'il est vivant. C'est deja ca, non ? Allez, venez ; on ne va pas s'expliquer ici, devant ces croquants.

Vivant ! Le mot ranima Catherine mieux qu'une paire de gifles. Elle regarda La Hire avec des yeux brillants d'espoir, se laissa entrainer jusqu'a la maison du Temple. Derriere eux s'etira la file lasse et sale des soldats. Le tout s'engouffra sous le porche noirci, emplit la cour. C'est seulement quand les hommes mirent pied a terre que Catherine s'apercut qu'ils ramenaient un prisonnier.

La troupe serree des chevaux avait empeche qu'elle le vit jusque-la. Pourtant, c'etait un homme gigantesque, un de ces Normands blonds presque roux, charpentes comme une machine de siege et en qui se retrouvait, presque intact, l'heritage des vieux Vikings. Ses mains, liees de grosses cordes qui le reliaient a l'arcon du sergent Ferrant, etaient epaisses et rudes avec des poils frises qui les poudraient d'or, mais on devinait que c'etaient la des mains habiles et intelligentes. Une mauvaise souquenille de toile dechiree couvrait mal un torse digne d'un ours, des epaules de bouvier sur lesquelles s'erigeait un visage couleur de brique aux traits incertains, mais sur le ton accentue duquel eclatait un regard gris clair, abrite d'epais sourcils broussailleux qui faisait irresistiblement penser a une source vive cachee dans les herbes folles.

Le captif ne semblait pas autrement emu de sa situation critique. Il laissait reposer sur les choses et les gens un ?il paisible et debonnaire, plus curieux qu'inquiet, mais qui s'alluma d'une flamme chaude en se posant sur Catherine.

— Qui est-ce ? demanda la jeune femme tandis que les gens d'armes poussaient l'homme entrave dans la grande salle.

Est-ce que je sais ? fit La Hire avec un haussement d'epaules. Nous l'avons trouve assomme dans le cellier de votre fameuse maisonnette. Il avait un tonnelet d'eau-de-vie sous un bras. Quelque pillard anglais sans doute ! Depuis que nous sommes revenus en Normandie, les Godons ont de plus en plus de mal a se faire payer les redevances par les paysans, et ils se payent comme ils peuvent.

La voix de l'homme retentit, si puissante que la paix de la grande salle en vola en eclats et resonna comme une voute de cathedrale.

— Je ne suis pas anglais mais bon normand et fidele sujet du roi Charles.

— Hum ! grogna La Hire. Tu parles notre langue, c'est deja ca. Comment t'appelles-tu ?

— Gauthier ! Gauthier le Bucheron, mais on m'appelle Gauthier Malencontre.

— Pourquoi donc ?

L'homme des forets eut un rire brusque.

— Parce que, quand j'ai en main la bonne cognee que vous ne m'avez pas laisse loisir de reprendre, il ne fait pas bon me rencontrer au coin d'un bois. J'en vaux dix, Sire capitaine, sans me faire honneur excessif !

— Explique-toi. Que faisais-tu dans cette maison ? Qui t'avait assomme ?

— Moi tout seul ! Jusqu'ici vous ne m'avez pas laisse parler. Maintenant, je veux bien vous dire ce que je sais...

puisque vous etes capitaine du Roi. Je vous avais pris pour un routier. C'est pour ca que je me mefiais.

La Hire haussa les epaules, mais ne put reprimer une grimace. Routier, il l'etait bien un peu, quand la guerre chomait. Il faut bien faire son metier quand on est taille pour ca ! Mais les etats d'ame de La Hire n'interessaient pas Catherine qui bouillait d'impatience. Elle attaqua elle-meme le prisonnier :

— Que faisiez-vous dans cette maison ? Savez- vous ce qui s'est passe ?

— Oui, fit l'homme sombrement.

Il jeta sur Catherine un vif coup d'?il, puis continua :

Magloire et Guillemette, les malheureux qui habitaient la chaumiere, etaient mes cousins. Je venais quelquefois chez eux, quand la faim se faisait trop dure, dans les bois. Ils etaient bons et secourables et jamais un pauvre ne s'adressait a eux en vain. J'etais chez eux, ou j'avais dormi, quand un homme est venu, l'autre matin. Il etait mal vetu, mais il avait l'air d'un chevalier. Un de ces airs... qui ne trompent pas. Il a tendu une piece d'or a Guillemette en demandant si elle avait un peu de lait. Cet or anglais, ca lui a paru bizarre a Guillemette, elle a pose des questions. Mais il ne voulait rien dire, le voyageur. Il a seulement dit qu'il n'etait pas d'ici, qu'il avait travaille a Rouen et qu'il repartait dans son pays. Il y avait quelque chose dans sa voix qui disait qu'il ne mentait pas. Pourtant, cette hauteur instinctive qu'il avait en lui, c'etait bizarre. Guillemette s'est laisse convaincre. L'or, c'est si rare ! Elle allait sortir pour aller a l'etable chercher le lait quand ils sont entres... les autres... les puants, les loups ecorcheurs ! En causant, on ne les avait pas entendus approcher.

La Hire empoigna l'homme par sa souquenille et se mit a le secouer avec rage.

— Qui etaient-ils ? Est-ce que tu les connais ?

Mais, malgre sa force et les mains attachees du prisonnier, La Hire n'etait pas de taille contre le geant. D'un brusque mouvement d'epaules Gauthier Malencontre se debarrassa de lui.

— Sur que je les connais ! J'ai vu la banniere. Celle de Richard Venables, l'ecorcheur anglais, un charognard pire que Satan son maitre. Il tient son repaire aux caves crayeuses d'Orival et dans les vieilles ruines de Robert le Diable. Ah, ca n'a pas ete beau a voir... Pauvre Guillemette !... pauvre Magloire !

— Parce que tu les as regarde egorger sans broncher ?

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