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Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта - Страница 7


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Et, depuis la terrible correction qu'il lui avait infligee, elle penchait serieusement pour cette derniere hypothese car, sans l'arrivee opportune d'Ermengarde, il la tuait ou l'estropiait a jamais sans la moindre hesitation.

Que dire d'Arnaud qui l'attirait et la repoussait suivant son humeur changeante ? Celui-la abusait de l'amour immense de Catherine pour l'accabler de son mepris, se permettre de juger sa vie, sa conduite et meme ses relations, tout en affectant de la traiter en creature inferieure. Et maintenant Sara, Sara qui avait toute sa confiance, qui etait son amie et qui, sans un mot, sans un adieu, la quittait pour suivre une troupe errante qu'elle n'avait jamais vue, mais qui etait de son sang !

La fuite de Sara etait la goutte d'eau qui fait deborder le vase. Catherine decida que le temps des concessions et des tetes courbees etait termine et que, desormais, elle conduirait elle-meme son destin, comme bon lui semblerait, sans s'inquieter de plaire ou de deplaire a qui que ce soit.

Puisque tous les autres consideraient qu'ils avaient droit, vis-a-vis d'elle, a une pleine liberte d'action, il n'y avait aucune raison pour qu'elle n'agit pas de la meme facon...

Abou-al-Khayr avait suivi sur le visage mobile de Catherine le cheminement de sa pensee depuis le moment ou il avait prononce le nom de Sara. Tout en refaisant le pansement de sa main droite, il lui sourit et dit :

— Ton grand malheur est de trop croire aux choses et aux gens. La vie est une bataille ou toutes les armes sont bonnes, une profonde foret ou le plus fort egorge le plus faible afin de se nourrir de sa chair.

— Je gage, fit Catherine avec un sourire en coin, qu'il y a dans votre pays un poete ou un philosophe qui a dit quelque chose la-dessus ?

— Il y en a beaucoup, c'est le fond de la philosophie la plus amere. Mais nous avons, en effet, un poete qui a dit :

Dans cette parade de foire, un ami ne le cherche pas, Ecoute ma parole, un refuge ne le cherche pas, Accepte la douleur, un remede ne le cherche pas, Vis joyeux dans les malheurs sans attendre qui te plaigne...

— C'est beau ! fit Catherine songeuse. De qui est- ce ? Hafiz encore ?

— Non. Omar Khayyam... un ivrogne qui savait de quoi il parlait... la defection de ta servante te fait mal, mais puisque tu n'y peux rien, pourquoi te tourmenter ? La vie continue...

En effet, la vie continuait. Catherine reprit la sienne, partagee entre son service aupres de la duchesse-douairiere, dont la sante declinait de plus en plus, la tenue de sa maison et de nombreuses visites a sa mere et a son oncle Mathieu.

En juin, Catherine etait completement remise et ne portait plus trace de ses blessures, hormis une etroite et mince cicatrice rose sur le cote gauche du dos, assez bas, heureusement, pour ne pas deparer la splendeur de ses epaules. Mais elle n'avait aucune envie de se retrouver entre Philippe et Garin. Us assistaient, a Troyes, au mariage de la princesse Anne et du duc de Bedford, et, cette fois, sans le secours d'Ermengarde qui, pour rien au monde, n'aurait voulu quitter la duchesse-douairiere gravement malade.

Apres le mariage d'Anne, Marguerite de Guyenne revint aupres de sa mere tandis que Philippe accompagnait la nouvelle duchesse de Bedford a Paris ou elle allait habiter le magnifique hotel des Tournelles. Le mariage de Marguerite et de Richemont devait avoir lieu en octobre, a Dijon meme.

Ainsi l'avait desire la jeune femme pour etre sure de voir sa mere y assister, meme de son lit. Catherine s'en rejouissait personnellement, car elle etait a peu pres certaine de ne pas revoir Garin avant cette date. Philippe avait a faire a Paris et en Flandres. Il ne reviendrait que pour le mariage. Garin resterait avec lui, comme d'habitude, vraisemblablement.

Au fond, Garin et ses agissements ne tourmentaient pas tellement Catherine parce qu'elle avait autre chose a faire. Il lui laissait une paix totale et c'etait tout ce qu'elle lui demandait. Par contre, Philippe, lui ne se laissait pas oublier. Deux fois par semaine, environ, un messager couvert de poussiere descendait, ou plutot tombait de cheval, dans la cour de l'hotel de Brazey. Il arrivait parfois que le cheval, extenue, s'abattit en meme temps que son cavalier... Et, invariablement, la meme ceremonie recommencait : l'envoye mettait genou en terre, offrait d'une main une lettre, de l'autre un paquet.

Les lettres, en general, etaient courtes. Philippe le Bon n'etait pas un grand epistolier. Quelques lignes tendres ou, le plus souvent, quelques vers empruntes a un poete. Mais les cadeaux etaient toujours d'une rare beaute...

Les chevaucheurs du duc n'apporterent pourtant jamais de bijoux, Philippe considerant que c'eut ete offenser Catherine. Seul un mari ou un amant pouvait offrir des joyaux. Ce qu'il envoyait, c'etaient de ravissants objets d'art, statuettes d'ambre, de jade, de cristal ou d'ivoire, reliquaires d'or aux emaux merveilleux, ?uvres patientes des artisans limousins dont les couleurs concurrencaient les pierreries, ou encore des dentelles, des fourrures, des parfums, et meme un automate : un jongleur vetu de satin rouge qui lancait et rattrapait des balles dorees. En resume, tout ce qui pouvait flatter la coquetterie d'une jolie femme ou attirer sa curiosite.

Catherine acceptait tout, remerciait d'un mot gracieux... et pensait a autre chose.

Depuis quelque temps elle avait, en effet, remarque autour d'elle une agitation insolite. Des flaneurs faisaient les cent pas dans sa rue et, chaque fois qu'elle sortait, elle etait a peu pres sure de retrouver l'un de ces flaneurs sur ses talons. Ils variaient. Parfois, c'etait un soldat de la garde ducale, parfois un bourgeois d'apparence innocente, parfois encore une sorte d'etudiant, ou meme l'un des jeunes copistes de ses voisins parcheminiers, ou encore un moine.

Ce manege ne tarda pas a agacer, puis a irriter la jeune femme, encore qu'elle ne sut a qui attribuer cette surveillance. L'auteur le plus vraisemblable en pouvait etre Garin. Qui d'autre, en effet, qu'un mari soupconneux aurait l'idee de la faire espionner ? Supposait-il donc qu'a Dijon, dans une ville ou tout le monde la connaissait, Catherine pouvait se mal conduire ? Ou bien voulait-il s'assurer qu'elle ne recevait aucun messager de Montsalvy ? De toute facon la chose etait fort desagreable et Catherine regrettait de ne savoir au juste ou toucher son mari pour lui dire, une bonne fois, ce qu'elle pensait de sa conduite. De meme, elle hesitait a interpeller l'un de ses suiveurs pour lui demander des explications, craignant de donner dans le ridicule. Mais, a mesure que les jours passaient, l'enervement de Catherine grandissait.

Or, un apres-midi ou elle rentrait chez elle apres avoir dejeune avec les Champdivers, elle reconnut, sous un habit de bourgeois, l'un des soldats de la garde ducale qui l'avaient escortee depuis Arras. Malgre le vaste chapeau a bords baisses qui couvrait sa tete d'une sorte d'entonnoir, l'homme avait une figure trop caracteristique pour que la jeune femme ne l'eut pas remarquee. Il avait le nez bourgeonnant d'un grand buveur, et, surtout, sous l'?il gauche, une large tache de vin violette qui lui mangeait presque toute la joue. Il arpentait le bourg a pas negligents lorsque Catherine, sur sa haquenee, etait sortie de la rue Tatepoire. Et, quand apres avoir jete la bride de sa monture aux mains de Tiercelin le majordome, Catherine etait remontee dans sa chambre, elle avait pu voir, par la petite fenetre de la tourelle donnant sur la rue, l'homme au chapeau en eteignoir qui arpentait ladite rue, toujours sur le meme trajet. Il allait du coin de l'hotel de Brazey jusqu'a la boutique de maitre Aubin, le grand parcheminier chez qui Garin se fournissait, examinait d'un air innocent les belles peaux blanches, soigneusement preparees et ornees qui decoraient la devanture, puis repartait, pour revenir quelques instants plus tard. Songeuse, Catherine rentra chez elle, hesitant sur le parti qu'elle devait prendre. Si Sara ne l'avait pas quittee, elle l'eut envoyee directement trouver le bonhomme et, en un rien de temps, eut ete renseignee. Nul ne s'entendait comme la tzingara a tirer les vers du nez des gens. Mais elle n'avait plus Sara et, une fois de plus, son absence se faisait cruellement sentir. Abou- al-Khayr etait trop voyant et d'aspect trop pittoresque pour qu'on le chargeat d'une mission de ce genre et Catherine ne se voyait pas descendre dans la rue pour interroger l'espion.

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