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Contes Merveilleux Tome I - Grimm Jakob et Wilhelm - Страница 18


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– Elle s’est enfuie sans doute pendant mon sommeil, afin de se debarrasser de moi.

Dans l’exces de son empressement, le lion avait remis de travers la tete de son maitre; celui-ci n’y prit point garde, absorbe qu’il etait dans ses tristes pensees. Ce ne fut qu’a midi, lorsqu’il voulut manger, qu’il remarqua qu’il avait le visage tourne du cote du dos; ne pouvant s’expliquer ce prodige, il demanda aux animaux ce qu’il lui etait arrive pendant son sommeil. Le lion lui raconta alors qu’au lieu de faire sentinelle, ils s’etaient tous endormis de fatigue; qu’a leur reveil, ils l’avaient trouve mort, la tete separee du tronc; que le lievre etait alle chercher la racine de vie, mais que lui, dans son empressement, il lui avait mis la tete de travers; il ajouta qu’il voulait reparer sa faute. Cela dit, il arracha de nouveau la tete du chasseur, la lui replaca dans l’autre sens, et la racine du lievre aidant, tout fut repare. Cependant le chasseur etait triste; il se mit a parcourir le monde et il gagnait sa vie en faisant danser ses betes devant les gens. Il arriva que juste un an apres ce jour, il revint dans la meme ville ou il avait delivre la fille du roi, et cette fois la ville etait entierement decoree de tenture ecarlate. Il dit a l’aubergiste:

– Que signifie cela? Il y a un an a pareil jour, la ville etait toute couverte de crepe noir; que veut dire aujourd’hui cette decoration ecarlate? L’aubergiste repondit:

– Il y a un an, la fille de notre roi devait etre livree au dragon, mais le marechal a combattu contre le monstre et il l’a tue; aussi ses noces se celebrent-elles demain; c’est pourquoi la ville qui etait naguere tendue de crepe noir en signe de deuil, l’est aujourd’hui de rouge ardent en signe de joie. Le lendemain, le chasseur dit a son hote vers l’heure du diner:

– Croiriez-vous, monsieur l’aubergiste, que je veux aujourd’hui en votre compagnie manger du pain de la table du roi?

– Oui, repondit l’hote, et moi, je parierais volontiers cent pieces d’or que ce ne sera pas. Le chasseur accepta le pari et placa sur la table une bourse avec le nombre de pieces d’or engagees par l’aubergiste. Cela fait, il appela le lievre et lui dit:

– En route, mon cher sauteur, va me chercher du pain dont mange le roi.

«Eh! pensa le lievre, si je vais ainsi seul en sautant dans les rues, les chiens se mettront a mes trousses.» Il avait pense juste; les chiens lui firent la chasse et voulurent gouter de sa chair succulente. Aussi fallait-il voir les bonds qu’il faisait. Il se glissa dans une guerite sans etre apercu par le factionnaire; les chiens arriverent pour le saisir, mais le soldat n’entendit pas la plaisanterie, et il les recut avec des coups de crosse qui les firent fuir en poussant des cris. Lorsque le lievre apercut le champ libre, il s’elanca dans le palais, entra dans la chambre de la princesse, se placa sous son siege et lui gratta legerement le pied. La princesse cria:

– Veux-tu bien partir! Car elle pensait que s’etait son chien.

Le lievre gratta une seconde fois, et la princesse repeta les memes paroles, toujours dans la pensee que s’etait son chien, mais le lievre ne la laissa pas dans cette erreur; il gratta une troisieme fois; la princesse baissa les yeux et reconnut le lievre a son collier; aussitot elle le prit dans ses bras, le porta dans son cabinet et lui dit:

– Lievre, mon ami, que veux-tu? Il repondit:

– Mon maitre, qui a tue le dragon, est ici, et il m’envoie pour que je demande un pain pareil a celui dont mange le roi.

A ces mots, la princesse ne se sentit pas de joie; elle fit venir le boulanger, et lui ordonna d’apporter un pain pareil a ceux dont mangeait le roi. Le lievre prenant la parole:

– Mais il faut, dit-il, que le boulanger me porte moi-meme avec le pain, pour que les chiens ne me fassent pas de mal.

Le boulanger le prit donc dans ses bras et alla ainsi jusqu’a la porte de l’aubergiste; la, le lievre se posa sur ses pattes de devant et le porta a son maitre. Le chasseur dit alors:

– Vous le voyez, monsieur l’hote, les cent pieces d’or sont a moi. L’aubergiste etait au comble de l’etonnement. Cependant le chasseur ajouta:

– J’ai bien le pain, monsieur l’hote, mais je veux encore de plus, maintenant, manger du roti du roi. Le chasseur appela le renard et lui dit:

– Renard, mon ami, mets-toi en route et va me chercher du roti pareil a celui que mange le roi.

Le renard connaissait mieux les detours que le lievre; il se glissa le long des coins et des angles obscurs des rues sans qu’un seul chien l’apercut, alla se placer sous le siege de la princesse et lui gratta le pied. La princesse baissa les yeux, reconnut le renard a son collier, le prit dans ses bras, le porta dans son cabinet et lui dit:

– Renard, mon ami, que veux-tu? Il repondit:

– Mon maitre, qui a tue le dragon, est ici, et il m’envoie pour que je demande un roti pareil a celui dont mange le roi. La princesse fit venir le cuisinier.

Celui-ci recut l’ordre de preparer un roti pareil a celui que mangeait le roi, de le porter pour le renard jusqu’a la porte de l’aubergiste. Quand ils y furent arrives, le renard prit le plat et le porta a son maitre.

– Vous voyez, monsieur l’hote, dit le chasseur, nous avons deja le pain et le roti; mais je veux encore avoir un plat de legumes comme ceux que mange le roi.

Cela dit, il appela le loup:

– Loup, mon ami, lui dit-il, mets-toi en route et apporte-moi des legumes pareils a ceux que mange le roi.

Le loup, qui n’avait peur de personne, se dirigea tout droit vers le palais, et quand il fut entre dans la chambre de la princesse, il tira cette derniere par le pan de sa robe, ce qui la fit se retourner. Elle reconnut le loup a son collier, et le conduisant dans son cabinet:

– Loup, mon ami, lui dit-elle, que veux-tu? Il repondit:

– Mon maitre, qui a tue le dragon, est ici, et il m’a envoye demander un plat de legumes pareils a ceux que mange le roi.

La princesse fit venir le cuisinier, qui recut l’ordre de preparer un plat de legumes pareils a ceux que mangeait le roi, et de le porter lui-meme pour le loup jusqu’a la porte de l’aubergiste. Le loup prit le plat et le porta a son maitre.

– Vous le voyez, dit le chasseur, voila que j’ai maintenant du pain, du roti et des legumes; mais il me faut des sucreries semblables a celles que mange le roi.

Il appela l’ours et lui dit:

– Ours, mon ami, tu ne dedaignes pas de lecher quelque chose de doux; va donc et rapporte-moi des sucreries semblables a celles que mange le roi.

L’ours se mit en route vers le palais, et chacun s’enfuit a son approche, et quand il arriva pres du fonctionnaire, celui-ci lui presenta le bout de son fusil et ne voulut point le laisser penetrer dans le palais du roi. Mais l’ours se dressa sur ses pattes de derriere et distribua a droite et a gauche quelques bons soufflets qui firent trebucher tout le poste apres cet exploit, il continua son chemin, entra dans la chambre de la princesse, se placa derriere elle et grogna legerement. La princesse se retourna, et reconnut l’ours, l’emmena dans son cabinet et lui dit:

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