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Contes Merveilleux Tome I - Grimm Jakob et Wilhelm - Страница 20


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– Attendez ici mon retour; je veux poursuivre cette bete. Et il s’enfonca sur sa trace dans la foret, ou ses animaux seuls l’escorterent.

Ses gens l’attendirent jusqu’au soir; mais comme il ne revenait pas, ils retournerent au palais et dirent a la jeune princesse:

– Le jeune prince s’est aventure dans la foret enchantee a la poursuite d’une blanche biche, et il n’est point revenu.

A ces mots, la princesse fut saisie d’une grande inquietude; quant au prince, il n’avait pas cesse de poursuivre la belle bete sans jamais pouvoir l’atteindre. A la fin, il s’apercut qu’il s’etait egare bien avant dans la foret; il sonna du cor, mais il ne recut aucune reponse, car ses gens ne pouvaient l’entendre. Et comme la nuit tombait, il vit bien qu’il ne pourrait revenir ce jour la au palais; il descendit de cheval, alluma du feu au pied d’un arbre, et resolut d’y passer la nuit. Comme il etait assis a cote du feu, et que ses animaux s’etaient etendus autour de lui, il crut entendre les sons d’une voix humaine et regarda autour de lui, mais il ne put rien apercevoir. Bientot apres, il lui sembla entendre comme une toux qui venait d’en haut; il leva la tete et apercut une vieille femme assise sur l’arbre, et qui se plaignait en criant:

– Hu! hu! hu! que j’ai froid!

Le jeune prince lui dit:

– Descends et viens te chauffer, puisque tu as froid.

Mais elle repondit:

– Non, car tes animaux me mordraient.

Il reprit:

– Ils ne te feront rien, vieille mere, descends seulement.

Or cette vieille etait une sorciere. Elle repondit:

– Je vais te jeter une verge du haut de cet arbre; si tu leur en donnes un coup sur le dos, ils ne me feront pas de mal.

Elle lui jeta donc une verge, et il en frappa ses animaux. A peine l’eut-il fait qu’ils furent metamorphoses en pierres. Et quand la sorciere vit qu’elle n’avait plus rien a craindre des animaux, elle se laissa couler en bas de l’arbre, et le toucha, lui aussi, avec une verge et lui aussi fut metamorphose en pierre. Cela fait, la vieille se mit a rire et elle le cacha ainsi que les animaux dans une caverne ou se trouvaient deja beaucoup de pierres pareilles. Cependant, comme le jeune prince ne revenait pas, l’inquietude de la princesse augmentait. Il se trouva qu’en ce meme temps l’autre frere qui, lors de la separation, s’etait dirige vers l’orient, arriva dans le royaume. Il avait cherche, mais en vain, un service; ne sachant que faire, il s’etait mis a courir le monde avec ses animaux qui dansaient devant les gens. L’idee lui vint d’aller consulter le couteau que son frere et lui avaient enfonce dans l’arbre au moment de se quitter, afin de connaitre le sort l’un de l’autre. Quand il arriva au pied de l’arbre, le cote du couteau qui concernait son frere avait une moitie deja couverte de rouille; mais l’autre etait encore blanche. L’inquietude s’empara de lui, et il se prit a penser: «Il faut qu’un grand malheur menace la vie de mon frere mais peut-etre que je puis le sauver, car la moitie du couteau est encore blanche.» Cela dit, il se dirigea avec ses animaux vers le couchant. Quand il arriva a la porte de la ville, le factionnaire vint a sa rencontre et lui demanda s’il devait aller l’annoncer a son epouse: il ajouta que son absence plongeait depuis quelques jours la jeune princesse dans une profonde inquietude, qu’elle craignait qu’il ne lui fut arrive malheur dans la foret enchantee. Le factionnaire lui parlait ainsi, parce qu’il le prenait pour le jeune prince, tant son frere lui ressemblait, et a cause des animaux qui le suivaient. Celui-ci, entendant parler de son frere, se dit en lui-meme: «Il vaut mieux que je me laisse prendre pour lui; il me sera plus facile ainsi de le sauver.» Il se laissa donc accompagner par le factionnaire jusque dans le palais, ou il fut recu avec de grandes demonstrations de joie. La jeune princesse ne douta pas un moment que ce fut son epoux; il lui raconta qu’il s’etait egare dans la foret, et qu’il lui avait ete impossible de retrouver plus tot son chemin. Il demeura quelques jours au chateau, s’informant de tout ce qui se trouvait dans la foret enchantee. A la fin, il dit:

– Il faut que j’aille y chasser encore une fois.

Le roi et la princesse voulurent l’en detourner, mais il tint ferme et sortit avec une nombreuse escorte. Lorsqu’il arriva devant la foret, il apercut, comme avait fait son frere, une blanche biche, et il dit a ses gens:

– Attendez-moi jusqu’a ce que je revienne; je veux courir cette belle bete.

Il entra donc dans la foret, accompagne de ses fideles animaux. Il lui arriva les memes aventures qu’a son frere; il ne put atteindre la biche, et s’enfonca si avant dans la foret, qu’il dut se resoudre a y passer la nuit. Et lorsqu’il eut allume du feu, il entendit ces plaintes au-dessus de sa tete:

– Hu! hu! hu! comme je gele! Il leva la tete, et il apercut la meme sorciere assise dans l’arbre. Il lui cria:

– Si tu geles, descends, vieille mere, et viens te chauffer.

Elle repond:

– Non, car tes animaux me mordraient.

Il repartit:

– Ils ne te feront rien.

Elle lui cria:

– Je veux te jeter du haut de cet arbre une verge, et si tu les en frappes, ils ne me feront aucun mal.

Le chasseur ne se fia pas a ces paroles de la vieille; il repondit:

– Je ne frapperai pas mes betes, mais descends, ou j’irai te chercher.

Elle lui cria:

– Que veux-tu me faire? Tu ne pourras rien contre moi.

– Si tu ne descends pas, reprit-il, je t’envoie une balle.

Elle lui cria:

– Tu peux tirer, je n’ai pas peur de tes balles.

Le chasseur la mit en joue, mais la sorciere etait invulnerable a toutes les balles de plomb; elle se mettait a rire toutes les fois qu’il la touchait, et criait:

– Tu ne pourras pourtant pas me blesser.

Le chasseur etait ruse, il arracha de sa veste trois boutons d’argent et les coula dans son fusil, car l’art de la sorciere ne pouvait rien contre ce metal; et des qu’il eut lache la detente, elle tomba de l’arbre en poussant de grands cris. Il lui mit le pied sur la poitrine, et lui dit:

– Vieille sorciere, si tu ne m’avoues pas sur-le-champ ou est mon frere, je te prends et je te jette dans le feu.

L’anxiete de la vieille etait profonde, elle implora merci en disant:

– Transforme en pierre ainsi que ses animaux, il est avec eux dans une caverne.

Alors il la forca de l’y conduire et lui dit:

– Vieille fee, tu vas sur-le-champ rendre la vie a mon frere et a toutes les autres creatures qui se trouvent ici, sinon je te jette dans le feu.

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